Cette fille-là

L’idée du blog est comme qui dirait pas franchement récente.

J’y ai pensé de nombreuses fois en presque 5 ans.

Et à chaque fois la même retenue : « Non mais avec le bol que j’ai, je tombe enceinte le mois prochain et j’aurais bien l’air con tiens ! ». Alors je me disais que j’allais plutôt commencer à écrire une sorte de carnet de bord à cet enfant une fois que j’aurais fait cette foutue prise de sang positive. Sauf que de positif il n’y eut point/nada/zéro durant cette période.

Hier aurait pu changer ma vie mais au lieu de ça il s’inscrit dans la longue lignée des jours de merde où je me suis fait piétiner la tronche par le Cosmos.

Le Cosmos

Faisons un point définition, je ne crois pas (enfin plus) en Dieu, et encore moins en la virginité de Marie (et encore encore moins aux ouvertures faciles mais bref) et je trouve qu’on a beaucoup trop tapé sur cette pauvre Dame Nature qui fait son taff de fertilité comme elle peut compte tenu de tout ce qu’on lui met dans la gueule de pesticides, de stress oxydatif et de plans de carrière incompatibles, de changements de société quoi. Alors je préfère taper sur le Cosmos, parce que quand on ne croit pas en Dieu le Cosmos c’est quand même ce qu’on fait de plus grand.

Donc indubitablement le Cosmos a une dent contre nous, si, sinon il nous aurait livré notre petit paquet rose et joufflu il y a quelques années. Ou au moins il aurait saupoudré l’infertilité de manière un peu plus homogène parce que là l’impression que j’ai c’est qu’il a éventré le sac juste au-dessus de nous (sûrement en cherchant l’ouverture facile).

Du coup, je ne te fais pas un dessin, si tu as continué ta lecture malgré les mots « prise de sang », « fertilité/infertilité » c’est que soit tu es un peu concernée (et on va pas se mentir tu es certainement une fille) soit tu t’intéresses au sujet donc tu sais sûrement le pouvoir isolant de l’infertilité. Je comprends LesGens, moi-même il m’arrive de changer de trottoir quand en face de moi se pointe un mec louche qui marche de traviole.

LesGens 

LesGens ce sont tes amis, majoritairement parents eux depuis le temps,

ce sont tes collègues femmes qui ont un avis sur tout surtout si elles n’y connaissent que dalle,

ce sont tes parents qui préfèrent dire des conneries plus grosses qu’eux plutôt que de ne rien dire parce que ça les touche mais qu’ils ne comprennent pas, à leur époque le grand combat c’était le contrôle des naissances et ils t’ont eue avant que maman n’arrête la pilule alors tu vois ils sont largués là,

ce sont tes sœurs, tes meilleures amies qui tombent enceintes quand on leur fait la bise,

ce sont ceux à qui tu dis que tu voudrais que ça reste entre vous et qui te répondent bien plus tard qu’ils l’ont dit à Truc (Quoi ?! Tu l’avais pas dit à Truc ? Ah mais je m’étais dit que….),

ce sont ceux qui te disent un coude sur la table et le majeur caressant leur sourcil qu’avoir un enfant ne change pas fondamentalement ta vie et ceux qui disent le contraire se noient dans un verre d’eau,

ce sont ce couple que tu vas voir à la maternité et elle qui te dit qu’il ne faut pas stresser parce que le stress c’est vraiment pas bon pour ce que t’as (pas) et lui qui te dit avec la conviction de t’apprendre quelque chose que les fiv « c’est un coup à se retrouver avec des jumeaux ou des triplés tu sais ! »,

ce sont même les médecins qui gèrent des cas à la chaîne et ne voient plus les yeux s’embuer en face d’eux.

LesGens ont ce pouvoir de te faire sentir comme le mec louche qui marche de traviole.

Tu deviens cette fille-là.

On te trouve sympa hein va pas t’imaginer des trucs mais comme on pige pas trop ce que tu fais et vu que ton cas n’est pas désespéré si t’y pensais moins aussi hé ben ça marcherait sûrement. Tu n’as strictement rien fait de plus ou de moins qu’eux, tu n’es pas plus ou moins méritante qu’eux, ça n’est pas écrit sur ton front et pourtant puisque tu en chies ils vont t’aider en te tenant la tête sous l’eau. Malgré eux bien sûr. Mais c’est pour ça que souvent tu leur souhaites une petite chute malencontreuse dans l’escalier (malgré toi).

Hier j’ai fait une prise de sang négative. Le château de cartes s’est encore cassé la gueule, il va falloir encore tout ramasser et recommencer et attendre encore son tour. Sourire. Distribuer les félicitations. Aux autres. Parce que les autres font des enfants en faisant l’amour et ça, ça mérite des félicitations.

Moi aigrie ? Ouais sûrement mais laissez-moi un jour ou deux et ça ira mieux. J’aimerais les y voir aussi… Et pourtant si je suis un tout petit peu réglo avec moi-même je peux pas tellement leur en vouloir parce qu’avant d’être une infertile aigrie j’ai été La Connasse de Fertile.

La Connasse de Fertile 

Elle a 21 ans et elle tombe enceinte bêtement environ 24h après qu’elle et son mec de l’époque décident que les capotes y’en a marre alors hop poubelle (et puis va savoir pourquoi elle croyait qu’elle était stérile de toutes façons).

Typiquement la nana qu’on adore détester, la meuf sans cervelle qui l’a bien cherché. Alors elle avorte et LesGens, professionnels de médecine et entourage lambda, lui dispensent presque tous leurs remarques culpabilisantes comme si c’était le truc à dire à la place de « Ça va ? ». Elle a les boules, elle mange, mais dans un minuscule coin de sa tête elle raye la mention « Stérile » et ça la console un tout petit peu. Parce que déjà à cet âge-là ce qu’elle attend avec impatience c’est d’être grande et de faire des bébés. En fait elle attend ça depuis toujours.

Et puisqu’elle est hyper fertile en fait, ça va être fingers in the nose quand il sera vraiment Temps et que ce sera vraiment Lui. Alors en attendant elle a le menton haut et l’hyper-fertilité en bandoulière.

Malheureusement (?), elle ne croise aucun couple en galère d’enfant mais nul doute qu’elle leur aurait fait profiter de ses lumières d’hyper-fertile primigeste maintenant qu’elle a de la bouteille.

Elle avance fièrement dans la vie avec la certitude que malgré tout ce qu’elle a foiré, ÇA elle va le réussir. Vite et bien. Et puis elle Le rencontre. Pas Dieu, non, toujours pas, mais…Lui.

Lui 

Il est beau, il est poilu, il sait choisir ses mots, il doit être une sorte de mirage, c’est ça : je dois être bourrée. (En vrai on l’était sûrement un peu) Une rencontre tellement incongrue, une histoire qu’il va falloir édulcorer pour la raconter aux enfants. Si on en a. Ce mec-là je sais toujours pas comment je lui ai mis le grappin dessus mais malgré les tempêtes et les seaux de merde il y a toujours à son doigt cet anneau qui fait homme marié alors que c’est juste un discret « Je t’aime » qui m’est adressé en continu et qui me fait dire que j’ai quand même le cul bordé de nouilles.

Je pense que ce soir de juin, ce sont mes ovaires qui m’ont dit d’aller lui parler. Les ovaires ils sont sympas mais ils n’ont aucun radar à sperme.

Je sais pas vous mais moi j’adore me raconter des histoires quand je rencontre quelqu’un.

Est-ce qu’il/elle va compter dans ma vie ?

Est-ce qu’on se fréquentera encore dans 10 ans ?

Est-ce que le jour où on me décernera mon Nobel/Oscar/Goncourt je le/la citerai ?

Alors quand je suis célibataire et que c’est un mec que je rencontre, comment vous dire…? Je revois son visage d’ange et je m’entends encore me poser toutes ces questions. Pas une seule seconde je n’aurais eu assez d’imagination pour me demander si ce qui nous arrive allait nous arriver. C’est complètement dingue, pas du tout prévu au programme.

Au début, j’ai juste été ébranlée du haut de mon piédestal d’hyper-fertile (ce mot est horripilant hein ?), ok j’étais avec un mec infertile, on faisait avec un spermo relativement très pourri mais bordel sur le nombre bien que peu folichon y’en a bien un qui va faire le boulot correctement ?

Et puis le temps et les baffes aidant, j’ai compris et j’ai rangé ma jolie panoplie d’hyper(oui c’est bon on a compris) qui ne m’avait servi à rien et j’ai enfilé la même tenue que Lui, celle qui sent un peu mauvais mais au moins celle-là elle permet de regarder les choses en face et d’arrêter de s’accrocher à une idée qu’on se fait de soi qui serait peut-être vraie dans une autre vie mais pas là, et moi c’est là que je veux être.

Et puis la médecine étant ce qu’elle est (balbutiante en la matière, souvent géniale, parfois prétentieuse) il n’est pas exclu qu’un jour je doive enfiler une panoplie encore plus moche, parce qu’à ce jour on a rien trouvé de mon côté mais demain ? J’y pense, pas plus ni moins qu’aux autres éventualités mais j’aime bien avoir tout l’éventail des possibles devant moi maintenant.

Je pense beaucoup à mon nombril certes mais je pense aussi beaucoup à cet enfant ou ces enfants, c’est flou, je pense à mon schéma idéal qui ne sera plus jamais idéal et je pense au vide.

T’as vu je suis nulle en « one step at a time » et en « madame si je peux vous donner un conseil, ne regardez pas plus loin que le bout de votre nez » !

Non moi je ratisse large, la spontanéité je l’ai laissée avec ses potes Certitudes et Insouciance dans ma première panoplie. Et aussi dingue que ça puisse paraître, ça va un peu mieux depuis que j’ai accepté l’idée que je pouvais faire partie de ces couples qui sortent de la pma comme ils y sont entrés : une main devant une main derrière.

Pour le moment l’adoption n’est pas dans nos projets (« Ah ouiiii ?? -voix très haut perchée- Et pourquoaaaa ? Y’a tellement d’enfants malheureux dans le m.. » « PRRRRRR ! » -c’est bon je l’ai butée- ) alors j’essaie aussi d’imaginer la vie sans enfants, ça me fait pas hyper plaisir, je suis pas spécialement maso (juste un peu schizophrène) mais ça fait partie des possibilités et j’espère que ça pourrait ressembler à notre vie « d’avant ». Parce que ce qui est fatigant c’est de courir derrière quelque chose d’inatteignable en pleurant sur l’insolente facilité que la plupart des couples ont pour faire cette petite chose si précieuse. Le jour où on arrêtera de courir, qu’elle qu’en soit la raison, on pourra enfin se reposer.

Alors me voilà. Si je suis enceinte dans un mois (ce qui va probablement se passer vu que je viens d’ouvrir ce blog) et que je décroche la timbale neuf mois plus tard vous pourrez me lancer des pierres.

Sinon promis je serai cette fille-là, j’aurais peut-être raté le train mais je serais allée boire des mojitos au bord de la piscine à la place et je viendrai vous raconter comment c’est pas mal non plus.

16 réflexions au sujet de « Cette fille-là »

    1. pennyenpma Auteur de l’article

      Je viens de comprends que je pouvais répondre, ce sera pas pour tout de suite le Nobel de la perspicacité… Premier com, première réponse et ravie de te voir traîner par ici. Coeur vert toi-même !

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  1. La fille

    Ah ah, ça me plait de charger le Cosmos, ça change de cette pauvre DNLT. En plus ce qu’il y a de bien c’est que tu peux le charger pour TOUTES les merdes qui te tombent dessus ; mec infertile? Hop Cosmos, patron con comme une bite ? Hop Cosmos, grève de la RATP? Hop Cosmos, retour de Sarkosy? Hop Comos. C’est genial, ça marche à chaque fois. Welcome to the blogosphère.

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  2. Zelda

    Les pierres sont prêtes, et je n’ai qu’un souhait pour vous, te les jeter tout bientôt :)
    En attendant, j’en ai déjà jeter sur le (putain de) Cosmos !! Pas pour la même raison…
    Welcome parmi nous…

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